Edito
Philippe Moisand
Trois disparitions ont marqué bien tristement la période qui nous sépare du précédent numéro. Yves Moisand d’abord, l’ainé des quarante cinq cousins et cousines, parti discrètement dans ce sud ouest où il avait choisi de terminer sa vie aux côtés de Monique. Annie Guyot-Moisand ensuite, qui a conservé jusqu’au bout, en dépit de la maladie, l’énergie et le sens de l’humour dont elle a toujours fait preuve. Vous lirez avec intérêt, et peut-être une certaine surprise, dans notre rubrique Carnet de famille, le petit poème qu’elle avait rédigé au lendemain de la mort de son fils Thierry. Il nous révèle une facette qu’elle cachait bien de sa personnalité. Paule Bernard-Moisand enfin, qui n’a manqué que de quelques mois la célébration de son centenaire. Nous avons une pensée affectueuse pour tous les trois et leurs proches..
Disparition, c’est le choix que nous n’avons pas voulu faire pour Le Chardenois en dépit des difficultés que nous rencontrons à ouvrir nos colonnes à toutes les générations et à sortir du côté un peu nombriliste et passéiste de notre publication. Force est de constater en effet que Gaëtan l’Ancien n’a pas fait beaucoup d’émules et que la famille manque cruellement de plumitifs. Nous ne perdons toutefois pas espoir, et, plutôt que de nous accrocher à une périodicité trop difficile à assumer, nous attrendrons désormais d’avoir suffisamment de matière pour décider de la sortie d’un nouveau numéro. La date du numéro 15 est donc aujourd’hui incertaine.
Pour s’en tenir au présent numéro 14, vous y trouverez les suites des articles de Gaëtan le Jeune sur le service Callot, et de moi-même sur Gaëtan l’Ancien. Daniel a aussi retrouvé, dans un numéro daté de 1923 de l’Illustration, un article sur la faïencerie particulièrement documenté sur la technique de fabrication. que nous reproduisons in extenso. Enfin, j’ai pensé qu’il pouvait être intéressant, au moment où le musée de l’Orangerie propose une exposition sur Frida Khalo et Diego Rivera, de vous faire part de quelques rêveries mexicaines que m’avait inspirées un voyage récent au pays des mayas.
Bonne lecture à tous.
(photo de titre : Yves Moisand, enfant)
Le service Callot (3)
Gaëtan Moisand
Après la découverte des origines des personnages en armes et de l’âne musicien (bulletins 12 et 13), nous partons cette fois à la recherche de celles du nain au violon, le 4ème personnage du service Callot de la Faïencerie de Longchamp.
Nous savons désormais que les deux personnages en armes sont des copies fidèles de deux grotesques de la série « Balli di Sfessania » du graveur lorrain Jacques Callot (1592-1635). Et concernant l’âne musicien, notre intuition selon laquelle le décorateur de Longchamp avait puisé ses sources non pas chez Jacques Callot mais à Moustiers s’est avérée la bonne : l’âne de Longchamp est très proche en effet de celui « sorti » de l’atelier des Clerissy au XVIII ème siècle.
Mais qu’en est-il du nain au violon ?
C’est à Moustiers, qu’il paraissait assez plausible de trouver le modèle du nain de Longchamp, comme nous y avons trouvé celui de l’âne musicien. D’autant plus que parmi les grotesques de Moustiers, une place privilégiée est faite aux musiciens et que beaucoup de ceux-ci sont des nains. Trouver rapidement le modèle de « notre » nain musicien semblait donc chose facile.
En réalité, ce ne fut pas tout à fait aussi évident.
Les choses pourtant avaient bien commencé, d’abord avec la découverte de ces personnages sortis de l’atelier moustiérain d’Olérys et Laugier qui présentent des similitudes avec le nain de Longchamp sans être pour autant totalement comparables. Le nain de Longchamp n’a pas de jambe(s) de bois et il joue du violon et non de la mandoline. Mais il y a certains apparentements : la taille des personnages, la tête proéminente, le nez difforme, le port d’un chapeau, etc…
Et puis, il y eut peu de temps après cette autre trouvaille, sur un site de vente aux enchères, d’une assiette au centre de laquelle se trouve un musicien au violon. Il s’agit d’une copie sans doute tardive de Moustiers (fin XIXème, probablement). Malgré la médiocre qualité de sa facture, le personnage a sans conteste une parenté plus évidente avec le nain de Longchamp que les estropiés d’Olérys et Laugier.
Ce personnage tient son instrument sur sa gauche et non sur sa droite. Mais si l’on inverse son image de façon à ce qu’il tienne son violon de la même main que celui de Longchamp, les ressemblances deviennent alors plus manifestes, comme on peut voir sur le photomontage. La posture des deux personnages est identique ; leurs vêtements, notamment la cape, le haut-de-chausse et le chapeau à plumes, sont très proches ; seuls les visages sont dissemblables, celui du décor de Longchamp paraissant nettement plus jeune.
Nul doute que cette pâle copie devait nous amener rapidement à un « vrai » grotesque du Moustiers classique et nous permettre d’établir une comparaison fructueuse avec le nain de Longchamp. Il a fallu pourtant s’armer d’une longue patience et attendre plusieurs mois avant de tomber coup sur coup sur deux ventes aux enchères, l’une à Lyon puis l’autre quelques semaines plus tard à Drouot, pour trouver enfin « l’oiseau rare ».
Les deux personnages, celui de Lyon sur une assiette de l’atelier Olérys, celui de Drouot sur un plat ovale signé « R » (pour JF Richieud, décorateur qui a commencé sa carrière comme apprenti chez Olérys) sont presque semblables à quelques rares nuances près. La photo en tête de ce § est celle de Drouot : le nain au violon est accompagné d’autres grotesques, comme c’est le plus souvent le cas à Moustiers au XVIII ème siècle et le plus proche de lui est, hasard malicieux,…un âne musicien ! Dans les deux cas, le décor est monochrome en camaieu manganèse. Le lecteur attentif aura remarqué que sur le plat de Drouot, la posture du nain est inversé (il tient son violon sur sa gauche) par rapport au nain de Longchamp, comme c’était déjà le cas pour la copie de Moustiers étudiée ci-dessus ; il en est de même pour le personnage sur l’assiette de Lyon.
Sur ce photomontage, le nain de Longchamp est entouré des images (que nous avons inversées pour mieux les comparer) des nains de l’assiette de Lyon et du plat de Drouot. Il y a certes quelques nuances entre les uns et les autres : le visage des nains de Moustiers est orienté vers le bas, leur corpulence est un peu plus prononcée que celle du nain de Longchamp, leur nez est un peu plus grossier, leur chapeau a certes les mêmes plumes que celui de Longchamp, mais n’a pas de pompon sommital dans un cas ou en a un très discret dans l’autre cas, quand celui de Longchamp en a un très remarquable.
Mais au jeu des ressemblances et différences, l’avantage revient nettement aux premières : ces deux nains créés pendant la période classique de Moustiers ont sans nul doute servi de modèles au décorateur de Longchamp, même si le traitement monochrome ( à Moustiers) ou polychrome ( à Longchamp) gêne un peu la comparaison.
Subsiste toutefois cette interrogation sans réponse : pourquoi le décorateur de Longchamp a-t’il inversé la « posture » de son nain par rapport à celle des nains de Moustiers ? Existerait-il un « chaînon manquant », un nain de Moustiers non encore découvert qui serait dans la même position que celui de Longchamp, portant son violon à main droite ? Ou, autre hypothèse, n’aurait-on pas commis une erreur à Longchamp lors de la transposition de l’image sur un modèle préparatoire ? Notons au passage que la position choisie par Longchamp n’est pas académique, la quasi-totalité des violonistes portant leur instrument de leur main gauche et l’archet de leur main droite.
Au terme de cette série d’articles, le service Callot nous est désormais familier.
Mais il garde toutefois sa part de mystères. Au-delà de la question non résolue du nain « inversé », le mystère principal est relatif à son nom : pourquoi le décorateur de Longchamp en donnant le nom de Callot à son service n’a-t’il pas en conséquence cherché son inspiration intégralement chez Jacques Callot ? Pourquoi seulement deux personnages sont-ils directement inspirés des gravures de ce dernier quand les deux autres ont leur source à Moustiers ?
Le décorateur de Longchamp n’étant plus là pour nous répondre, nous en sommes réduits aux hypothèses. Je risque ici la mienne en considérant qu’elle est nécessairement fragile.
Si l’on regarde une pièce du service de Longchamp dans son entier et non plus seulement les personnages, on ne peut pas ne pas remarquer à quel point sa décoration est voisine de celle des décors à grotesques de Moustiers, où l’on retrouve des éléments de décoration semblables d’un décor et d’un atelier à l’autre, et toujours disposés de façon voisine. Sur cette assiette de l’atelier Olerys et Laugier, les grotesques sont disposés au centre sur des « terrasses fleuries » comme disent les spécialistes. Des « tertres » sont disposés sur le pourtour de la pièce, sur lesquels poussent des plantes ou des fleurs. Entre les tertres, des plantes, des papillons ou des insectes remplissent les vides.
Si l’on compare maintenant cette pièce de Moustiers avec une assiette du service Callot de Longchamp, on retrouve effectivement les mêmes éléments de décoration dans une configuration très semblable : le personnage grotesque est « posé » sur une terrasse fleurie ; sur le pourtour de l’assiette, des plantes et des fleurs émergent de deux tertres et entre ceux-ci, des insectes comblent le vide. Seules nuances différentes dans la configuration : les tertres remplissent à Longchamp un grand espace, peut-être un peu démesuré d’ailleurs, penseront certains ; et surtout, alors qu’à Moustiers les grotesques sont plusieurs sur une même pièce, le parti a été pris à Longchamp de ne présenter qu’un seul personnage par pièce, le mettant ainsi mieux en valeur.
Mon hypothèse est que le décorateur de Longchamp avait en fait pour objectif de créer un service largement inspiré des décors à grotesques de Moustiers. Mais alors, en ce cas, pourquoi ne pas l’appeler « Moustiers » plutôt que « Callot »? Tout simplement parce qu’il existait déjà à Longchamp un service Moustiers, comme on peut le voir ici. Ce service « Moustiers », créé comme le Callot, du temps de Robert Charbonnier ne perdurera pas : on n’en trouve plus la trace au XXème siècle. Ses qualités artistiques ne sautent pas aux yeux, c’est peut-être la raison pour laquelle sa production n’a pas été durable.
Du coup, après l’abandon de ce dernier, le nom de Moustiers était de nouveau libre et c’est ainsi qu’ont pu être créés à Longchamp tout au long du XXème siècle des services Moustiers, assez proches les uns des autres et clairement inspirés des décors à grotesques de Moustiers. Le premier dans les années 20 fut dénommé « Moustiers ». Le personnage représenté sur cette assiette nous est désormais familier puisque c’est lui qui illustre le titre de notre journal « le Chardenois » et qui, multiplié par trois, en ponctue chaque article. D’autres services par la suite et notamment ceux qu’ Hélène Charbonnier Moisand (la Reine) réinterpréta dans les années 50 à partir des modèles anciens, prirent le nom de décorateurs célèbres de Moustiers, comme Olérys ou Viry.
Si l’on rapproche ces différents décors du XXème siècle du Callot créé au XIXème, on est évidemment frappé par la proximité des styles. On peut donc affirmer sans risque d’erreur que le service Callot est l’ancêtre de tous les décors « Moustiers » de la Faïencerie de Longchamp. Certes avec le temps, le décor s’apure : les tertres disparaissent, les feuillages et les fleurs se font plus parcimonieuses. Mais l’essentiel reste identique. On remarquera que les Moustiers de Longchamp reprennent le parti pris caractéristique du service Callot de ne présenter qu’un seul personnage sur chaque pièce. Alors que les décors à grotesque de Moustiers présentent de façon quasi systématique 2 ou 3 grotesques sur chaque pièce, voire plus encore.
In fine, la double origine des personnages, tantôt issus des gravures de Jacques Callot, tantôt des ateliers des premiers décorateurs de Moustiers contribue à faire du décor Callot l’un des plus originaux de Longchamp.
Et s’il fallait marquer sa préférence parmi ces personnages, je choisirais sans hésiter l’âne musicien.
Et vous ?
La Faïencerie de Longchamp
Article paru en 1923 dans l’Illustration Economique et Financière
(Signé : A. Groo)
Sauf erreur, cet article n’a pas été conservé dans les archives familiales. (Re)découvert par Daniel Moisand, il est donc en quelque sorte inédit. Daniel le replace ici, en quelques lignes, dans son contexte :
« L’article de l’Illustration a été rédigé dans un style bien d’époque, presque « pompeux », mais par un journaliste qui avait certainement une très bonne formation technique et qui disposait d’une excellente documentation. Il offre ainsi une vision parfaite du fonctionnement de l’usine à cette époque d’après la grande guerre. Nous pouvons visiter toutes les étapes de la fabrication, depuis l’approvisionnement en matières premières jusqu’à l’expédition des produits finis.
La dernière partie de l’article, bien que moins documentée (ce qui entraîne certaines confusions, notamment concernant l’œuvre du Trousseau) est passionnante, nous montrant ce chef d’entreprise éclairé et avant-gardiste que fut Gaëtan Moisand, assurant dans ce village assez reculé, à destination avant tout agricole, la vie et l’essor d’une grande industrie par des innovations techniques, telles que la création d’une centrale électrique, mais également humaines et inédites avec tout le personnel : création des cités ouvrières, aide sociale et sanitaire, la fanfare, etc
Il est cependant très intéressant de noter que sur ce point, Gaëtan n’en a pas été le précurseur. Nous apprenons ainsi que la Société de Secours Mutuel que je croyais avoir été créée par Gaëtan dans les années 1930, fonctionnait en fait depuis la fin du 19ème siècle sous l’égide de Robert Charbonnier, décidément véritable pionnier dans tous les domaines. »
Dans la plaine de Genlis à 6 kilomètres de la gare de cette localité, au milieu des forêts qui portent son nom s’élève le village de Longchamp. Très ancien village dominé par un château du XVe siècle, encore debout.
Dès cette époque éloignée, les chartreux de Dijon qui en étaient propriétaires y fabriquaient déjà les poteries grossières du temps. Mais ce n’est qu’en 1835 qu’un entrepreneur d’Auxonne, probablement séduit par la qualité des argiles du pays et par le bois abondant qui devait servir à la cuisson vient y fonder une tuilerie.
Cette tuilerie fut bientôt transformée quelques années plus tard en une poterie avec quatre fours pour la cuisson de la faïence commune. Cette modeste poterie fut le berceau de la Faïencerie de Longchamp.
Sous la première impulsion de MM. Robert et Marcel Charbonnier qui en deviennent propriétaires en 1868, elle est devenue l’importante manufacture d’aujourd’hui occupant plus de 300 personnes sous l’habile direction de M. Gaëtan Moisand, maire de Longchamp.
On se demande comment une manufacture si importante put ainsi, en dehors de toutes les règles d’économie la plus élémentaire, se développer à Longchamp. Si les produits du pays, l’argile et le bois, justifiaient le choix du fondateur pour la fabrication de la poterie commune, il n’en est pas de même pour les faïences d’aujourd’hui, nécessitant des matières premières spéciales venant de très loin, ainsi que de la houille indispensable au chauffage des fours.
Mais un facteur important vient à Longchamp rétablir l’équilibre. C’est celui de la main d’œuvre. Son recrutement s’opère en effet d’une manière exceptionnelle. Au milieu d’une population agricole, il s’est formé un noyau d’ouvriers faïenciers. C’est ainsi que de père en fils et même de mère en fille, comme nous le verrons tout à l’heure, toutes ces familles deviennent les collaborateurs de la Faïencerie de Longchamp. Il faut dire en effet que presque tous ces ouvriers sont devenus propriétaires des maisons qu’ils habitent et même des champs qu’ils cultivent. Profondément attachés à leur sol, ils ne cherchent pas à émigrer vers des centres plus manufacturiers.
Ce fut à la suite du discrédit jeté sur la faïence commune après l’Exposition de 1878, que MM. Charbonnier décidèrent de transformer leur usine et de fabriquer les faïences en renom, similaires aux produits de Lunéville, Creil, Choisy, etc…
Dès 1881, l’usine, complètement transformée, fabriquait toute la faïence usuelle en une pâte de granit analogue à celle de la faïence anglaise et recouverte d’émail. Puis vinrent s’adjoindre les faïences d’art et l’on vit des objets en barbotine, des vases et d’autres pièces décorées par des maîtres du pinceau, sortir de l’usine de Longchamp. Et plus tard, ce fut le genre de fleurs en haut-relief peintes en couleur de barbotine avec des fonds nuancés.
Ce fut en 1912 que les gendres de M. Robert Charbonnier, M. Joran, capitaine d’état-major et M. Moisand, avocat à la Cour d’Appel de Paris, abandonnant chacun leur situation, fondèrent la Société Anonyme de la Faïencerie de Longchamp. La direction commerciale était confiée à M. G. Moisand et M. Marcel Joran en assuma la direction technique.
De grands projets de réfection et de transformation complète, établis sur des plans d’une usine moderne, étaient en voie d’exécution lorsque la guerre éclata. MM. Joran et Moisand furent mobilisés, mais l’usine continua à fonctionner, sous la direction générale de M. Jacquemin, le directeur artistique.
Après la démobilisation, MM. Joran et Moisand reprirent chacun leur poste et commencèrent à réaliser les transformations projetées. Malheureusement, peu de temps après, en 1919, M. Joran est enlevé à l’affection des siens, à la suite d’une maladie, dont il avait rapporté les germes du front et M. Gaëtan Moisand reste seul pour assurer la direction générale de l’usine.
C’est alors que par son activité, son sens précis des affaires, son travail incessant, sa préoccupation de créer un lien étroit entre son personnel et lui, et parfaitement secondé par M. Robert Joran, ingénieur électricien, par M. Jacquemin, qui conserva la direction artistique et par tout un personnel dévoué, M. Gaëtan Moisand a donné à la Faïencerie de Longchamp le magnifique essor qui en fait aujourd’hui une fabrique de céramique comptant parmi les plus importantes de France.
Nous avons pu visiter tous les services de la Faïencerie de Longchamp. Grâce à l’amabilité de la direction, qui nous a grandement facilité notre tâche, grâce aussi aux explications si éclairées de M. Jacquemin qui fut notre guide empressé, nous avons pu nous rendre un compte exact de toutes les transformations de la pâte de faïence, depuis son origine jusqu’à son arrivée, sous la forme d’assiettes, de vases ou de garnitures de toilette, splendidement décorés, sur les rayons des Grands Magasins où ils sont offerts à la convoitise du public.
Tout d’abord, et emmagasinées dans des locaux appropriés, nous trouvons toute la série des matières premières devant servir à la confection de la pâte de faïence. L’argile plastique provenant de Saint-Loup-de-Nau, près de Provins, le kaolin venant de l’Allier, de Bretagne ou d’Angleterre ; le sable kaolinique venant des environs de Nevers, le sable quartzeux de Fontainebleau, le silex pulvérisé de Dieppe et de Mons, en Belgique ; enfin, la craie de Champagne.
L’argile plastique et le kaolin sont réduits en fragments dans un concasseur, tandis que le sable de Fontainebleau est pulvérisé dans quatre broyeurs contenant chacun 300 kilos de cailloux de silex et tournant à grande vitesse. Ballottées ainsi pendant quatorze à quinze heures, ces matières en sortant des broyeurs, présentent la finesse et l’onctuosité de la farine de froment. On effectue alors le mélange de tous les éléments nécessaires dans de vastes cuves à tamis, appelées délayeurs, dans l’intérieur desquelles un appareil malaxe et pétrit la pâte pendant cinq à six heures.
Mécaniquement cette pâte descend aux filtres-presses qui, sous une énorme pression, la débarrassent de la plus grande partie de son eau. Elle en sort sous forme de galettes très minces et de couleur grise et passe enfin au malaxeur horizontal tout nouvellement installé, duquel s’écoule, sous forme de poutre carrée de 20 centimètres de côté environ, toute la pâte employée par la Faïencerie. Ce malaxeur peut fournir journellement 8 à 10 tonnes de pâte.
Cette pâte, très onctueuse, d’une consistance comparable à celle du beurre en hiver, ainsi prête pour la fabrication, est transportée aux ateliers de moulage.
Nous avons traversé ces vastes ateliers où l’air et la lumière sont distribués à profusion, et nous avons assisté aux trois sortes de moulage employés à la fabrique, c’est-à-dire le moulage à la main, le moulage mécanique et le moulage par coulage. Chacun d’eux nous a vivement intéressé.
Sur le tour de potier bien connu, l’ouvrier modèle la pâte soit au pouce, soit au moule, à l’aide de divers outils. Par ailleurs, les tours sont mûs par des moteurs électriques, et la pâte, que lui prépare et lui passe l’apprenti, est disposée en galette dans des moules creux et travaillée par l’ouvrier à l’aide de calibres qui épousent le profil des objets à fabriquer. On moule ainsi ordinairement les grandes pièces importantes, cuvettes, pots, soupières, etc. Le moule tournant sous le calibre immobile tenu par l’ouvrier, la pâte s’élève et épouse les formes voulues, complétées par un travail approprié, suivant chaque objet.
Le procédé du coulage se fait au moyen de la pâte liquide, recueillie à la sortie des délayeurs, et qui n’a pas subi la préparation des filtres presses et du malaxeur.
Cette pâte – la barbotine – est coulée dans des moules en plâtre qui absorbent petit à petit l’eau qui y est contenue. La pâte finit par adhérer aux flancs même du moule, et séchant de plus en plus s’en détache d’elle-même.
Tous les objets ainsi fabriqués sont alors achevés et polis, ceux qui doivent être munis d’anses passent dans un atelier spécial, où des femmes habiles fabriquent celles-ci dans des moules spéciaux et les fixent à l’aide de barbotine aux emplacements voulus.
Ces pièces terminées sont portées aux sècheries où une température de 30 degrés est constamment maintenue. Elles sont déposées sur des rayons montant du sol au plafond, jusqu’à ce que, complètement sèches et déjà solides, elles deviennent d’un beau blanc mat. Elles sont ainsi prêtes pour la cuisson.
Dans d’immenses fours, ayant 1′aspect de tours cylindriques, construits en briques réfractaires, cerclés de fer, de 5 mètres de diamètre environ sur 5 mètres de hauteur, sont enfermées les pièces retirées de la sècherie et prêtes pour la cuisson.
Ces pièces sont disposées dans des cazettes, sortes de boîtes cylindriques en terre réfractaire fabriquées à l’usine, et placées de manière à occuper le moins de volume possible sans se toucher. Ces cazettes ainsi remplies, sont empilées dans le four, la porte de celui-ci est entièrement scellée, et la cuisson commence. Elle dure ordinairement quarante heures. Après cette première cuisson, on obtient ce qu’on appelle le biscuit.
Le chauffage des fours est fait au charbon ou au bois et la température est poussée jusqu’à 1000 degrés. Des ouvriers spéciaux surveillent et règlent cette température au moyen de témoins, petites pièces de forme spéciale qui se trouve modifiée suivant le degré de chaleur. Sur les trois grands fours à biscuit existant à Longchamp, un est toujours en pleine marche, le second en refroidissement livre les pièces cuites et le troisième enfin en remplissage.
Après cette première cuisson, les faïences simples sont portées aux ateliers d’impression. Les unes pour y recevoir une décoration simple et unicolore, les autres après ce premier travail, sont envoyées aux ateliers de peinture à la main.
Nous avons longuement admiré dans ces ateliers le goût, l’habileté de tous ceux qui arrivent à donner à tous les objets qui leur sont confiés le cachet artistique qui en fait souvent des pièces remarquables.
Sous la direction d’un contremaître qui est un véritable artiste et qui prépare l’exécution des modèles imaginés et conçus par MM. Moisand et Jacquemin, nous nous arrêtons d’abord aux graveurs, qui dessinent en taille-douce les plaques de cuivre devant servir à l’impression des bandes destinées à la décoration de la vaisselle. Les dessins appelés à être coloriés sont indiqués par des blancs alors que ceux qui ne doivent être impressionnés que d’une seule couleur sont entièrement gravés.
Ces planches terminées passent à l’impression, l’ouvrier les enduit de la couleur choisie et en tire des épreuves sur papier pelure au moyen de presses à cylindre. Ces bandes de papier sont découpées, puis collées sur les pièces à décorer et tamponnées par des ouvrières ayant chacune leur travail distinct et toujours semblable. Aussi y acquièrent-elles une grande dextérité permettant un plus grand rendement. Lavées et débarrassées du papier, ces pièces ainsi décorées sont prêtes pour le four-tunnel.
Quant aux pièces impressionnées et qui doivent recevoir diverses couleurs, elles sont mises aux mains d’ouvrières qui, d’un léger coup de pinceau, ont bientôt fait d’y appliquer la gamme des couleurs choisies. C’est dans cet atelier où de toutes jeunes filles commencent à côté de leur mère, leur apprentissage. Elles ne peuvent être à meilleure école pour devenir plus tard elles-mêmes d’habiles artistes.
Mais notre court exposé de cet atelier, si intéressant, serait bien incomplet si nous ne signalions pas la décoration des beaux émaux cloisonnés. Là nous avons été réellement séduits et émerveillés de voir ces jeunes paysannes de Longchamp ou des environs peignant avec un art et une sûreté de main incroyables les divers sujets, feuilles, fleurs, fruits, arabesques, etc., ou simplement esquissés.
Il faut voir avec quelle habilité elles déposent, au moyen d’un petit appareil spécial, ce mince filet de barbotine entourant les lignes du dessin auquel elles donnent souvent une tournure bien personnelle et qui constitue les cloisons des émaux. Cette même pièce passe tour à tour jusqu’à son complet achèvement entre les mains de chaque ouvrière chargée d’y appliquer les tons divers, avec leurs teintes dégradées ainsi que les couleurs décorant les fonds plus ou moins ornés.
Toutes ces pièces passent alors au four-tunnel, innovation datant de 1920. Placées dans un chariot, ces faïences traversent lentement sur des rails pendant une durée de 7 à 15 minutes, ce four chauffé à 650 degrés. Elles en ressortent recuites et complètement dégraissées.
Ainsi terminées et retouchées, après être passées au bain d’émaillage, ces pièces sont placées à nouveau dans des cazettes pour la deuxième cuisson. Celle-ci est effectuée dans des fours chauffés à 1060 degrés. Les pièces comportant des dorures reçoivent les filets or d’ouvriers spécialistes et sont recuites une troisième fois.
Complètement achevés, tous les objets ainsi fabriqués sont passés au « choisissage » d’où sont écartées celles présentant quelque défectuosité, les autres, après un dernier polissage, sont envoyées au magasin pour être classées par catégories.
Nous jetons un coup d’oeil en passant sur les salles d’emballage, où ces pièces fragiles doivent être emballées avec un soin tout particulier. De nombreux ouvriers et ouvrières y sont constamment occupés. Des cadres énormes démontables en cinq parties y reçoivent les grosses commandes, celles de moindre importance étant emballées dans des harasses ou caisses ordinaires.
Toutes ces commandes sont expédiées à la nombreuse clientèle de la Faïencerie de Longchamp qui comporte tous les grands magasins de Paris : Louvre, Bon Marché, Bazar de l’Hôtel de Ville, etc..etc.. et une grosse clientèle en province et à l’étranger.
Trente chevaux et mulets sont constamment occupés aux transports entre Longchamp et Genlis. Par l’organisation de ses ateliers, la Faïencerie de Longchamp peut répondre à toutes les demandes qu’elle reçoit. Elle est outillée pour pouvoir fabriquer et sortir plus de 500 garnitures de toilette par jour. Ces garnitures de toilette, avec la fabrication des services de table demi-luxe, genre Strasbourg, vieux Rouen, etc.., et les vases artistiques, sont des spécialités de la Faïencerie de Longchamp.
En sortant des ateliers de fabrication, notre curiosité est appelée à visiter les installations toutes modernes entièrement créées par M. G. Moisand et fournissant à tous les services de l’usine la force et la lumière qui leur sont nécessaires.
A 150 mètres environ des ateliers de fabrication, sur les rives de l’Arnison, dans un bâtiment spécial en ciment armé, se trouve la Centrale Electrique. Au rez-de-chaussée, une chaudière dernier modèle, alimente une machine Cail à condensation, établie au premier étage. Celle-ci est accouplée à une génératrice à courant continu qui produit une intensité de 500 ampères, sous une tension de 125 volts, soit 80 HP environ.
En outre, une double batterie d’accumulateurs, l’une en fonctionnement, l’autre en secours, donnant 150 ampères-heures, fournissent la lumière à l’habitation du directeur, des ingénieurs, aux halls, aux ateliers et même dans le village, aux habitations des contremaîtres et ouvriers.
Les anciennes machines et chaudières ont été remises à neuf et conservées soigneusement pour servir de matériel de secours. L’eau, dont on use en abondance dans la fabrication est, élevée par une pompe puissante dans un bac-réservoir d’une contenance de 4000 litres.
Dans les ateliers annexes construits entre les splendides jardins qui entourent la propriété personnelle du Directeur Général, sans pour cela en diminuer l’esthétique, nous visitons les ateliers de mécanique, d’électricité, de charpente, de menuiserie , et mêrne de couverture. A Longchamp , en effet, tous les corps de métier sont représentés, l’usine fabriquant tout ce qui lui est nécessaire et se suffisant ainsi à elle-même.
Le service contre un incendie toujours possible est assuré par un corps de pompiers, habillé et équipé comme les pompiers de Paris. Très entraînés et toujours en alerte, ils peuvent, en quelques minutes, mettre en batterie une puissante moto-pompe. Avec ses quatre lances pouvant débiter 20 000 litres d’eau à l’heure, cette pompe peut noyer tout commencement d’incendie sur n’importe quel point de l’usine.
Nous remercions vivement M. Jacquemin de nous avoir initié à toute la fabrication de la faïence et de nous avoir piloté dans notre si intéressante visite. Nous sommes heureux de pouvoir le féliciter personnellement pour toutes les créations artistiques qu’il a fait exécuter.
Il nous semble pourtant que nous n’aurions accompli qu’une partie de notre tâche si nous terminions ici notre exposé.
Nous ne pouvons, en effet, passer sous silence toutes les oeuvres sociales crées ou développées par l’actif Directeur Général de la Faïencerie de Longchamp, M. Gaëtan Moisand, qui a réalisé, dans ce petit village isolé, une étroite relation entre ses ouvriers et lui, où il a su se faire aimer en considérant tout son personnel comme ses collaborateurs, depuis la direction jusqu’au plus petit de ses apprentis.
Aussi, jamais de grève à Longchamp. Le personnel y demeure toute sa vie, y fonde une famille, et ses enfants deviendront à leur tour les ouvriers qui continueront, par leur habileté professionnelle, à contribuer à la renommée chaque jour de plus en plus grande de la Faiencerie de Longcharnp.
Des salles de bains avec appareils sont aménagées et mises à la disposition des ouvriers. Pour ceux qui habitent hors de Longchamp et viennent travailler à la fabrique, il a été installé une salle de repos avec cantine, où ils peuvent prendre leur repas et passer leur temps en dehors des heures de travail.
Une Société de Secours Mutuels a été fondée et fonctionne depuis le 10 août 1882.
Signalons que, depuis la fondation de l’usine, jamais un ouvrier n’a fait vainement appel, en cas de nécessité urgente, à la bonté de son directeur. Un des leurs est-il malade la nuit, ou a-t-il besoin de soins urgents ? Il suffit de frapper, à n’importe quelle heure, à la porte de la villa patronale pour qu’aussitôt une automobile parte chercher le médecin ou les médicaments nécessaires.
Parlons maintenant de la Fanfare de la Faïencerie de Longchamp, dont la réputation n’est plus à faire. Fondée en 1889, elle est devenue une des premières de France. Classée division supérieure, elle a remporté de nombreux prix dans tous les concours, tant en France qu’à I’étranger, où elle s’est fait entendre avec gros succès, comme à Lausanne, Genève, Evian, etc.
Cette fanfare, qui comptait avant 1914 soixante exécutants, a vu ses rangs décimés par la guerre. Elle compte actuellement cinquante exécutants, dont vingt nouveaux qui ont été formés à Longchamp même.
Comme nous l’avons dit plus haut, les anciens ouvriers de Longchamp sont devenus eux-mêmes propriétaires de leur petite maison, mais il fallait songer à loger les nouveaux qui venaient travailler à la fabrique, dont l’extension demandait une main-d’œuvre de plus en plus importante. M. G.Moisand ne les oublia pas et, sur les plans de M. Robert, architecte à Dijon, fit construire de vrais petites villas comportant, suivant l’importance de la famille de l’ouvrier, trois à quatre pièces, avec cave, bucher, jardin, eau, électricité fournie par l’usine. Des maisons plus grandes, destinées aux contremaîtres, sont également construites et se composent de trois pièces au rez-de-chaussée, deux au premier étage, avec deux débarras, grenier, évier, etc.
Suivant l’exemple de leur père, M. G. Moisand, cherchant toujours à améliorer la situation sociale de l’ouvrier, Mlles Yvonne et Christiane Moisand ont fondé et dirigent elles-mêmes, de leurs deniers personnels et leur travail, l’Oeuvre du Trousseau, ayant pour objet …. nouveaux-nés du personnel de la fabrique
C’est ainsi, en considérant ses ouvriers comme les membres d’une grande famille dont il serait le chef et en associant les siens à ses œuvres de portée sociale, que M. G. Moisand a su trouver et conserver près de lui des ouvriers qui, trouvant à la fabrique tout le bien-être possible, y demeurent, y apportent leur habileté professionnelle et travaillent tous sans arrière-pensée et avec goût au développement et à la prospérité de la Faïencerie de Longchamp.
Nous devons signaler aussi que l’usine de Longchamp est placée sous la protection de saint Antoine de Padoue, patron des faïenciers. Aussi, au mois de juin, pour la fête de saint Antoine, M. Moisand donne, dans sa propriété, sur ces superbes pelouses qui entourent sa belle villa, une fête, à laquelle sont conviés tous les ouvriers de l’usine. Après une grand’messe en musique, exécutée par la Fanfare de Longchamp, un grand banquet réunit tous les ouvriers et le personnel de l’usine autour de M. Moisand et de sa famille. Une matinée artistique, où sont appelées à venir se faire entendre les plus grandes vedettes des grands théâtres de Paris : Opéra, Opéra-comique, Français, etc. , a lieu et précède un bal à grand orchestre qui clôt ces fêtes magnifiques. Une autre fête, mais de moindre importance, est donnée par la Fanfare de la Faïencerie de Longchamp pour la Sainte-Cécile.
Nous terminerons ici notre courte monographie de la Faïencerie de Longchamp en disant toutefois que ce chef d’industrie éclairé qu’est M. Gaëtan Moisand a su trouver la solution du problème social en agissant de façon à conquérir le cœur de tous ses collaborateurs, petits et grands.
Le dernier des Moisand de Beauvais : Gaëtan (suite)
Philippe Moisand
Vous vous souvenez que dans notre numéro 12, j’avais, de façon un peu présomptueuse, tenté de cerner certains traits de la personnalité de Gaëtan l’Ancien, tout en vous annonçant une suite prochaine. Je n’ai malheureusement pas eu cette fois-ci le support de Marité, mais j’avais gardé de notre entretien quelques notes qui m’ont été utiles pour vous apporter aujourd’hui ce modeste complément. Sans nier le caractère quelque peu arbitraire de mes choix, je vous propose d’évoquer le grand affectif qu’était Gaëtan, son goût pour la fête et sa fin de vie.
Un grand affectif
Il est bien connu, ils ne s’en cachent d’ailleurs pas, que les Moisand ont la larme facile. Pas un discours officiel, quel qu’en soit l’objet, même un mariage, qui ne provoque un torrent de larmes dans l’assistance. Même les plus apparemment endurcis d’entre nous (je pense notamment à mon père, Robert) n’y ont pas échappé. D’où cela peut-il venir ? Pas de doute, c’est bien de Gaëtan. Tous les témoignages de ceux qui l’ont bien connu concordent sur ce point.
Et que dire de sa correspondance avec ses enfants et beaux enfants ? Je n’ai eu accès qu’à une toute petite partie des lettres qu’il a leur a adressées, celles de Robert et Denise bien sûr, mais aussi d’Henry (je ne m’explique pas pourquoi certaines des lettres adressées à « son cher petit Lily » se sont retrouvées dans les archives de mes parents), mais toutes portent la même marque d’un père constamment proche de ses enfants, très attentionné et toujours très délicat, quelles que soient les circonstances.
La fréquence des courriers est en elle-même impressionnante. Pas moins de quinze lettres adressées à Robert entre 1936 et 1938, dont quatre dans la seule dernière semaine d’octobre 1936, dans une période il est vrai où ce dernier donnait quelques orientations décisives à sa vie, Ecole des EOR à Saumur et fiançailles avec Denise. On se prend à se demander d’abord si Gaëtan en faisait autant avec tous ses enfants (ce qui est probable) et, dans l’affirmative, s’il lui restait encore un peu de temps pour diriger ses affaires à la faïencerie !
Le ton est toujours très affectueux : utilisation de diminutifs « mon cher petit Lily », « mon cher petit Roberto », mais aussi « je vous aime mon fils chéri et je vous embrasse tendrement » et enfin « je t’aime mon fils chéri. Pense à ton papa (il était alors sur le front) même parmi les jeux. Si je savais que, parfois, dans la journée, ta chère petite âme a un élan vers la mienne, comme je serais heureux ». A une époque et dans un milieu où il était de bon ton, surtout pour les hommes, de ne pas extérioriser ses sentiments profonds, ces élans d’affection sont assez surprenants.
Quant au contenu, il va de pair avec le reste, très orienté sur l’expression de sentiments d’affection. Pas toujours cependant. Ainsi le « cher petit Lily » se fait-il vertement réprimander à l’âge de neuf ans pour désobéissance :
« Donc, j’ai décidé ceci :
1°Tes leçons terminées chez Mademoiselle Marchant ou chez Monsieur le Curé, tu rentreras directement au Châlet. Là tu prendras les ordres de ta maman et, si elle t’y autorise, tu joueras dans le jardin, mais je te défends de sortir du jardin.
2° A la première désobéissance, tu cesseras d’être enfant de chœur pendant quinze jours. Un enfant désobéissant n’est pas digne de s’approcher du bon Dieu. »
Illustration parfaite du dicton selon lequel « qui aime bien châtie bien », encore que l’on puisse se demander si l’interdiction d’être enfant de chœur constituait, même à l’époque, un véritable châtiment !
On pourrait multiplier les citations. J’ai simplement gardé pour la fin cette lettre adressée à Robert, qu’il n’appelle pas encore Roberto, alors qu’il n’a pas encore été démobilisé (elle est datée du 12 décembre 1918), mais qu’il pense à rapporter un jouet à son fils de trois ans : « Je n’oublie pas votre dada mécanique. Je vous le donnerai quand je viendrai. Votre papa rentrera bientôt et fera de bonnes parties avec vous ».
Bref, un véritable cœur tendre qui a visiblement un peu suppléé dans le cœur de ses enfants ce que l’éducation austère d’Hélène, et peut-être aussi son caractère, lui interdisaient d’exprimer de façon aussi débordante.
Je ne peux pas terminer cette évocation de la grande sensibilité de Gaëtan sans poser la question de savoir comment elle pouvait se traduire dans la vie du couple. Hélas, aucune archive n’est à ma connaissance disponible pour tenter d’y trouver une réponse. Pas la moindre trace des lettres qu’il n’a pas manqué d’adresser à Hélène pendant sa longue absence de la période de guerre et qui auraient été bien instructives. Quant à la tradition orale, elle nous apporte seulement quelques bribes d’informations sur la rencontre du château d’Aiserey et nous a transmis la légende plutôt surréaliste d’une mère qui aurait conçu chacun des ses huit enfants en lisant le Figaro ! C’est, vous en conviendrez, un peu court, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que, derrière les convenances et le côté très institutionnel du mariage inhérents à l’époque, se cachait une véritable complicité entre les deux époux.
Le goût pour la fête
Non, ce n’était pas jour de fête tous les jours à la maison. Marité m’a d’ailleurs confié que son père était d’humeur irrégulière, un tantinet cyclothymique en quelque sorte, sans doute le revers de son extrême sensibilité. Mais Gaëtan avait incontestablement un goût prononcé pour les festivités. Nul doute que la vie parisienne qu’il a bien connue, de surcroit comme célibataire, avant son exil provincial y était pour beaucoup.
Je ne reviendrai pas sur le détail des grandes réceptions officielles, ni sur la célébration annuelle de la Saint Antoine à Longchamp. Christiane en a très bien et très abondamment parlé dans sa Saga des Charbonnier et des Moisand à laquelle vous pouvez vous référer. Ce qui m’a intéressé dans les souvenirs de Marité, c’est d’abord le caractère enjoué et pince sans rire de son père. Il aimait rire et faire rire. Il aimait la vie et les airs à la mode, mais ne prisait pas beaucoup la musique classique, ce qui ne l’a pourtant pas empêché d’inviter à Longchamp des cantatrices de renom, entre autres Mlle Charbonnel de l’Opéra de Paris et des musiciens comme sa cousine, Mme Queille-Degeorge, premier prix de violon au Conservatoire de Paris.
Sa vocation première d’avocat pénaliste le portait aussi naturellement vers le théâtre, tant il est vrai qu’il faut avoir des qualités d’acteur autant que de juriste pour bien réussir dans cette profession. Là encore, il fait appel à des acteurs de renom, au premier rang desquels a figurant Mme Marie Bell. Mais il participe aussi lui-même très activement aux représentations théâtrales qui faisaient partie intégrante des festivités. En tant qu’écrivain d’abord, sous le pseudonyme de Jean du Chardenois. On lui doit en particulier un acte rajouté à L’ami Fritz , une petite pièce intitulée « Les nouveaux pauvres » dans laquelle il se moque gentiment des déboires de la haute société dus à la crise de 1929, et sans doute aussi beaucoup d’autres dont je n’ai pas gardé la trace.
En tant qu’acteur également. Il se met lui-même en scène dans « Les nouveaux pauvres », et invite aussi à le rejoindre ses propres enfants : Christiane toujours dans la même pièce et dans « La farce de Cuvier », Yvonne dans « Les noces de Jeannette », Marité et Mamie déguisées en alsaciennes dans « L’ami Fritz », ainsi que certains des employés de la faïencerie.
Si l’on ajoute les contributions de la fanfare et de la chorale, qui mobilisaient une grande partie du personnel, on voit bien que ces festivités n’étaient pas seulement un spectacle offert à la population longchampoise, mais aussi et surtout l’occasion d’une mobilisation de tous au bénéfice de manifestations au cours desquelles chacun était successivement acteur et spectateur. Les difficultés financières nées de la crise de 1929 qui ne permettaient plus de supporter les cachets des stars parisiennes n’ont d’ailleurs fait que renforcer ce choix d’une implication collective.
Une fin de vie douloureuse
C’est un sujet dont je n’ai pas gardé le souvenir qu’il ait été beaucoup abordé dans les réunions familiales. Et pourtant, je ne peux pas m’empêcher de penser aujourd’hui à la difficile fin de vie qu’a connue Gaëtan. Comment a-t-il vécu, lui qui avait connu un brillant début de carrière au barreau de Paris et repris avec succès l’entreprise familiale, d’abord la grande crise de 29, puis le front populaire, son accident de voiture avec la nouvelle Hotchkiss dont il sortira avec un bras cassé et un gros hématome, et enfin son accident cérébral qui le privera en grande partie de la parole ?
La baisse certainement sensible des revenus provoquée par la crise a d’abord conduit à une réduction drastique du train de vie familial. Puis il lui a fallu faire face au choc du front populaire, à l’hostilité des syndicats et aux congés payés, lui qui pensait avoir fait tout ce qu’il fallait pour le bien de son personnel. Aux dires de mon père, un ressort s’est alors cassé, dont il ne s’est jamais vraiment remis
Viendront ensuite la guerre dans laquelle deux de ses fils sont engagés, puis l’accident de santé en 1941 qui le prive non seulement de la parole, un supplice pour l’homme du verbe qu’il était, mais aussi d’une grande partie de sa mobilité. Marité me disait sa douleur de voir son père ainsi diminué, entouré le matin par les domestiques et rendant visite l’après midi à d’anciens employés de l’usine, tandis qu’Hélène, qui avait déjà assuré l’intérim pendant la grande guerre, passait sa vie à la faïencerie dont elle avait pris les rênes.
Il aura toutefois la joie de voir le pays libéré en 1945 et la paix revenue. Il caressera même l’espoir de revoir son cher Paris à l’occasion de son dernier voyage, mais n’arrivera pas à destination. Puisse la voie que Dieu lui a choisie ce jour là l’avoir conduit vers des rivages plus sereins.
Rêveries mexicaines
Philippe Moisand
Sans prétention aucune, je vous livre ici quelques unes des réflexions que je me suis faites et des questions que je me suis posées en traversant le Mexique. On est bien loin des incontournables temples précolombiens et de la baie d’Acapulco, mais l’âme et l’histoire d’un pays ne se résument pas nécessairement à leurs monuments et à leurs paysages.
Diego Rivera et Frida Khalo
Des deux époux, Frida est sans doute la plus connue. Hongroise par son père, indienne par sa mère, doublement handicapée par la poliomyélite et un grave accident d’autobus (ou de tramway), passionaria du féminisme, de la défense des indiens, communiste convaincue, artiste talentueuse, mais un brin trop torturée à mon goût, elle avait tout pour faire partie de ceux qui comptent. Le Clézio lui a d’ailleurs consacré un ouvrage.
Et pourtant, je ne peux m’empêcher de lui préférer Diego, lui aussi d’ascendance indienne. Certes, celui-ci n’est pas de ces artistes dont la notoriété déborde toutes les frontières et dont les œuvres voyagent autour du monde, d’une exposition à l’autre. Puisqu’il a choisi d’être essentiellement un « muraliste », il vous faut le rencontrer chez lui, à Mexico, principalement au Palacio Nacional , mais aussi Palacio de Bellas Artes et dans le petit musée qui lui est consacré.
L’exposition qui vient de s’ouvrir à l’Orangerie de Paris (Frida Khalo/Diego Rivera, l’art en fusion) vous permettra peut-être de vous faire votre opinion, si tant est que l’œuvre de Diego y est bien représentée. Quoiqu’il en soit, et quelque tumultueuse que fut la vie conjugale de ces deux artistes, ils font tous deux partie, chacun à sa façon, du paysage mexicain qu’il serait dommage de manquer au profit des « incontournables » temples mayas.
Le traité de Guadalupe Hidalgo imposé par les gringos.
Au Mexique, la légende veut que l’étranger soit couramment qualifié de gringo. A vrai dire, je ne sais pas si ce terme vise tous les étrangers ou les seuls citoyens des Etats Unis, mais j’ai quand même le sentiment qu’il est souvent utilisé dans un sens péjoratif et s’applique essentiellement aux voisins du Nord. Faut-il s’en étonner quand on se rappelle (si on l’a jamais su) que le territoire mexicain fut, au milieu du 19ème siècle, brutalement amputé de plus de la moitié de sa superficie au bénéfice des Etats Unis ? La main mise progressive de colons américains venus du nord sur le Texas, alors partie du territoire mexicain, avait provoqué une vive réaction du Mexique, lequel n’était malheureusement pas de taille à lutter avec son puissant voisin. La prise de Vera Cruz puis l’occupation de Mexico par l’armée américaine se traduisirent par la signature du traité de Guadalupe Hidalgo aux termes duquel le Mexique devait abandonner non seulement le Texas, mais aussi (excusez du peu !) la Californie et le Nouveau Mexique. Etrange que le nom donné à ce traité désastreux soit constitué de deux noms justement célèbres et très vénérés au Mexique.
La Guadalupe, sanctuaire de l’Amérique latine.
C’est sans doute le sanctuaire le plus fréquenté de toute l’Amérique latine. Visité à cinq reprises par Jean-Paul II, il commémore le souvenir de Juan Diego, ce jeune indien à qui la Vierge Marie serait apparue à plusieurs reprises en 1531 et dont le portrait se serait miraculeusement imprimé sur le revers de sa tunique. On peut le voir aujourd’hui dans le sous-sol de la nouvelle basilique ; un tapis roulant à double sens oblige les fidèles à ne pas s’attarder pour laisser la place aux suivants. Etrange symptôme de la modernité pour des pèlerins qui arrivent au sanctuaire à genoux.
Je me garderai bien de m’immiscer dans le débat qui n’a pas manqué de s’instaurer sur l’authenticité de ces apparitions. Jean-Paul II l’a clos à sa façon en canonisant Juan Diego. En revanche je me suis intéressé à l’origine de ce nom de Guadalupe qui m’intriguait. Certains guides notent la couleur très brune de la peau de la Vierge et rappellent qu’une autre vierge noire, très vénérée en Estrémadure, est connue sous le nom de Guadalupe. Il y a sans doute là un lien, mais cela ne nous dit pas d’où vient ce nom.
Il m’a semblé qu’on pouvait partir du rapprochement avec le Guadalquivir, ce fleuve andalou qui porte un nom arabe (Oued el khebir, le grand fleuve). Mais, d’une part je ne voyais pas ce que la Vierge pouvait avoir à faire avec un fleuve, et d’autre part, il me manquait la signification du qualificatif « lupe » ou « upe ». Un Mexicain à qui je faisais part de ma perplexité m’indiqua que la Vierge s’était présentée à Juan Diego comme la rivière lumineuse ou la source de lumière. Voilà qui éclairait bien ma lanterne et je décidais de retenir provisoirement cette interprétation que je livre à votre sagacité. J’ai appris depuis que Guadalupe pourrait venir de oued el oub, la rivière de l’amour, ou oued al loub, la rivière aux cailloux noirs, voire même oued al lupus, la rivière au loup, un bien étrange mélange d’arabe et de latin.
Miguel Hidalgo, le père de l’indépendance.
Lui ne s’est pas perdu dans toutes ces conjectures sémantiques. Lorsqu’il brandit en 1810 l’étendard de la révolte contre la domination espagnole et lança le fameux « grito de Dolores », il fit peindre sur sa bannière une réplique de la Vierge de la Guadalupe qui devint ainsi le symbole de la lutte pour l’indépendance du Mexique. On oublie souvent que c’est ce prêtre d’une petite localité du centre du pays, associé à un militaire du nom de Ignacio de Allende (sans rapport avec Salvador), qui fut le père de l’indépendance mexicaine. Pancho Villa et Zapata lui ont incontestablement volé la vedette.
Et pourtant ces derniers n’ont rien à voir avec l’indépendance mexicaine. C’est cent ans plus tard qu’ils se rendirent célèbres, lorsque le pays se révolta contre l’interminable dictature de Porfiro Diaz et qu’ils participèrent à son élimination. Comment ces deux aventuriers, issus des couches les plus modestes de la population, se sont-ils entendus avec les francs maçons qui menaient la fronde ? La chose est mystérieuse. Sans doute avaient-ils besoin les uns des autres, mais l’entente ne dura pas et plusieurs d’entre eux périrent de mort violente. Ainsi, c’est en sortant de son appartement pour rejoindre en voiture son hacienda campagnarde que Pancho Villa fut pris sous le feu nourri des mitrailleuses de ses meurtriers. On raconte que, blessé à mort et saignant de toutes parts, il eut encore la force de prendre le volant et de jeter la voiture contre un arbre. Quelle belle fin pour ce modeste vacher qui eut son heure de gloire et les conquêtes féminines qui vont souvent avec !
N’est-elle pas étrange l’histoire de ce pays créé par les Mayas, soumis par les Espagnols, libéré de l’emprise des colons, amputé d’une grande partie de son territoire par les gringos, qui participe aujourd’hui à la lente et pacifique reconquête des territoires perdus par le biais des ses émigrants imposant aux Etats Unis la pratique de leur langue ?
Les caricatures de l’atelier Moyaux
A la suite de l’article de Daniel Moisand sur les frères peintres, Marcel et Maurice Moisand, paru dans le bulletin précédent, nous avons reçu de Virginie Frelin-Cartigny, attachée de conservation au Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, le commentaire suivant, que certains lecteurs du « Chardenois » ont peut-être déjà lu :
« J’ai découvert par hasard votre blog en cherchant des informations sur Marcel-Emmanuel Moisand, parallèlement aux recherches que je mène actuellement sur Constant Moyaux, en vue d’une exposition au musée des Beaux-Arts de Valenciennes à la fin de l’année 2013 (6 décembre 2013-23 mars 2014).
Je vous signale qu’un ouvrage de Mme Annie Jacques, intitulé La Carrière de l’architecte au XIXe siècle (Dossiers du musée d’Orsay, 1986), reproduit la photo de Caricatures de l’atelier Moyaux faites par Marcel-Emmanuel Moisand (p. 65). Cette photographie semble se trouver en collection particulière et j’en cherche actuellement la provenance, mais si vous souhaitez étayer votre corpus d’oeuvres de Marcel-Emmanuel Moisand, je peux vous adresser une numérisation de cette image. »
A notre demande, Virginie Frelin nous a aimablement communiqué l’image des Caricatures que nous reproduisons ici en tête de cet article.. La qualité de l’image numérisée est médiocre, mais suffisamment lisible pour que nous puissions découvrir chez Marcel-Emmanuel un vrai talent de caricaturiste : il a « croqué » un certain nombre de ses condisciples et professeurs de l’atelier Moyaux à l’Ecole des Beaux-Arts où il est entré en février 1891. Ces dessins, sans doute affichés dans l’atelier, ont été prises en photo par l’un des élèves de Constant Moyaux.
Il est probable que Marcel-Emmanuel se soit caricaturé lui-même à travers ce dessin qui n’est pas sans ressemblance avec les « images » de Marcel-Emmanuel que nous connaissons grâce à l’article de Daniel Moisand ( effigie de la tombe de Grez-sur-Loing ; gravure de son frère Maurice dans le livre « Rivales »).
Carnet de famille
Rodolphe Duffour et Alix
Le 7 septembre a été célébré à Asquins dans l’Yonne le mariage de Rodolphe Duffour, le 3ème des 4 fils de François Duffour (lui-même fils de Jean Duffour et Yvonne Moisand) et Véronique Duffour avec Alix de Lalande de l’Héraudière.
La réception a eu lieu dans la maison de François et Véronique située entre Avallon et Vézelay, sur un ancien site de Templiers qui s’illustre par la présence d’une chapelle templière du 13ème siècle.
Alix et Rodolphe, les mariés, vivent depuis un an à Bangkok (Thailande) et travaillent dans les secteurs de l’hotellerie et du tourisme.
Yves Moisand
Le 10 mai 2013, Yves Moisand nous a quittés.
Certains le surnommaient « Yvon », « Vonvon » ou encore « patate » …pour nous c’était tout simplement : papa.
Afin d’être fidèle à ce qu’il a été, ces quelques lignes seront simples et sans fioritures.
Ce n’était pas un grand communicant et nous avons appris à décoder avec le temps ses émotions au travers d’un regard ou d’un silence. Ce qui ne l’a jamais empêché au cours de sa vie personnelle ou professionnelle de prendre des décisions courageuses ou de donner des avis bien arrêtés.
Nous gardons de lui sa ténacité et sa volonté d’avancer quelles que soient les épreuves de la vie.
Nous aurions aimé partager avec lui de longues veillées, afin de mieux connaître l’enfant, l’adolescent puis le jeune adulte qu’il a été.
Nous devinions quelques blessures, des rêves, et une sensibilité qu’on lui avait appris à taire.
Il emporte avec lui ses secrets.
Sa tendresse, à la fois chaleureuse et pudique, nous manque.
Mais il n’est pas loin …
le 18 novembre 2013, ses enfants.
Annie Guyot Moisand
Annie Guyot Moisand, « Tante Annie » pour ses neveux et nièces nous a quittés le 12 août 2013.
Ses enfants Jacques, Catherine, Denis, Hervé, sa belle-fille Sabine ont écrit :
« Cette nuit, Maman nous a quittés dans un dernier souffle avec sa discrétion habituelle, sans une plainte, après deux mois de lente et longue agonie où nous avons eu la chance de partager de grands moments d’intimité avec elle.
Bien sûr, elle nous laisse déjà un vide immense tant sa personnalité faisait partie de notre vie…Nous savons que tous ceux qui l’ont connue auront une tendre pensée ou prière pour elle. »
Nous reproduisons ci-contre le dernier message d’Annie à « ceux qu’elle a aimés ».
A ceux que j’ai aimés,
Pour moi la vie ne fut pas tendre
Sagement il a fallu apprendre
Que le courage et la tendresse
Quand on est envahi par le stress
Doivent effacer toute la tristesse
Et laisser place à la joie.
Que l’amour ne fait pas de choix
Qu’on donne plus qu’on ne reçoit
Mais que ce fut mon but à moi
Avec souvent des maladresses
Dans la jeunesse et la vieillesse.
Et si la vie doit vous meurtrir
Toujours il faut aimer et rire
J’ai essayé de faire cela
Je vous le souhaite de l’au-delà
Aimez-vous et pensez à moi.
Paule Bernard Moisand
Elle s’en est allée le 10 novembre dernier rejoindre Henry parti plus de trente ans avant elle. Elle aurait eu cent ans le 16 avril prochain. Ses obsèques ont été célébrées dans l’église de Longchamp en présence de sa nombreuse descendance venue l’accompagner à sa dernière demeure du petit cimetière de la route de Chambeire.
Paule avait épousé très jeune Henry, l’aîné des Moisand, dont elle a eu sept enfants. Elle a travaillé longtemps à la faïencerie, prenant la place de sa belle mère Hélène à la décoration, lorsque celle-ci décéda en 1964. Puis elle s’est retirée avec Henry à Fontaine les Dijon, dans la propriété familiale des Bernard, avant de s’installer dans une maison de retraite.
Au dos du livret de la messe d’enterrement de Paule, on aperçoit la photo d’une petite chapelle, qui n’a pas été placée là par hasard. Il s’agit de la chapelle Notre-Dame de Beauvoir qui domine à mi-falaise le village de Moustiers-Sainte-Marie. La photo rappelle l’attachement de la « branche Henry » au site de Moustiers qu’elle avait choisi comme lieu de vacances et où Paule a eu la joie de retrouver chaque été ses enfants et petits enfants dispersés aux quatre coins de la France et même de l’Europe.
« Vous pouvez verser des larmes parce qu’elle s’en est allée,
ou vous pouvez sourire parce qu’elle a vécu. »
(extrait d’un poème d’Eileen Cicole lu par Guy Moisand au cimetière)